ismaëlle & szymon
i am an inexhaustible source of awkwardness.
J'avais retrouvé comme un semblant de rythme de vie normal. C'est-à-dire que je ne dormais plus sur des chaises en plastique, que je ne me nourrissais plus exclusivement de barres de céréales du distributeur de l'hôpital ou des quelques restes que laissait Eléanor dans l'assiette de son plateau repas. J'avais ré-adopté mes horaires de sommeil classiques et, plus important encore, j'avais repris le travail. Chanceux que j'étais, mon employeur avait eu la bonté de m'accorder quelques jours de congés après que je lui ai expliqué la situation dans laquelle se trouvait ma meilleure amie. Mais ça ne pouvait pas durer. C'était l'été, certains de mes collègues partaient en vacances, les effectifs étaient réduits. Alors ce matin, une semaine après la naissance de mon filleul, j'avais remis les pieds dans le Starbucks du centre commercial, et ce, pour toute la journée. Et il était quelque chose comme dix-sept heures quand j'en suis ressorti, ma journée terminée, bien décidé à rentrer à l'appartement.

Mais c'était sans compter sur cette petite boutique qui venait d'ouvrir, quelque part ailleurs dans la ville. Quelqu'un avait laissé une publicité sur la porte du coffee shop, et je me retrouvé planté devant pendant plusieurs longues minutes, contemplant le visage de poupon qu'on y avait imprimé. Un magasin pour bébés. D'après l'affiche, il n'y avait pas que de vêtements, mais aussi quelques petits jouets, meubles. Des poussettes aussi, apparemment. Je me suis alors souvenu du point auquel Léa manquait de ce genre de choses. Elle en avait déjà, certes. Mais si peu. Alors j'ai quitté le centre commercial, ai rejoint le parking de mon immeuble, ai pris ma voiture et suis allée jusqu'à cette fameuse boutique dans laquelle - je le voyais à travers la vitrine, une fois sur place - plusieurs jeunes ou futures mamans se pressaient dans les rayons. J'allais faire tâche, passer pour un papa encore une fois, mais je n'en avais rien à faire. C'était pour Lukas. Et pour Léa.

Trois quart d'heure plus tard, mon panier était plein. J'étais partie pour n'acheter que deux ou trois bodies, deux ou trois biberons, peut-être un chauffe-biberon et une peluche. Mais je m'étais vite retrouvé dans la peau de l'acheteur compulsif, à ma grande surprise, ce que me valait les gentils regards et sourires des jeunes femmes autour de moi. Et je devais bien reconnaître que ça me plaisait pas mal, de prendre des vêtements minuscules et des les mettre dans un panier. Tout allait bien. Jusqu'à ce que je me retourne et que je reconnaisse une silhouette blonde, à peine quelques mètres plus loin.

Ismaëlle. Bordel.

Je suis resté immobile quelques secondes alors que mon coeur accélérait - bien moins qu'avant, cependant - et que je la regardais flâner dans la boutique, promenant son regard un peu partout. Qu'est-ce qu'elle faisait là ? Puis mon panier plein me revint en mémoire, et il m'est apparu évident qu'elle se poserait exactement la même question en me voyant. Damn. J'ai reculé, doucement, pour essayer de ne pas attirer son regard, pour finalement manquer de renverser un bac plein de pyjamas taille 3 mois. Je ne pouvais pas aller plus loin, alors j'ai feint un soudain intérêt pour le bac et son contenu, lui tournant le dos, priant pour que le bruit que je venais de faire n'ait pas attiré son attention.

BY .SOULMATES