Je l’avais regardé toute la soirée. Mes yeux étaient posés sur cette fille, blonde et jolie toute la soirée. Sans jamais la lâcher. Et c’était comme ça, tous les jours, tous les soirs. Et je ne m’en lassais pas. Jamais. Il n’y a encore pas si longtemps je n’aurais jamais pensé que ma vie ressemblerait à ça. J’étais amoureux, fiancé et j’allais être papa. Et j’étais heureux. J’embrassais mon amoureuse sur les coups de minuit puis je la tenais dans mes bras pour regarder le feu d’artifice. Nous avions passé la soirée avec la famille et les amis, rien de mieux pour passer la nouvelle année. Et bien vite, il se faisait tard et il était temps de rentrer. Nous aurions pu dormir ici, dans mon ancienne chambre mais Lukas avait fini par s’endormir et ma petite sœur qui le surveillait aussi. Alors ma mère avait insisté pour que Léa et Szymon passent la nuit ici. J’étais déjà quasiment prêt à dormir sur le canapé avec ma fiancée dans les bras. Mais Lana avait autre chose en tête. Elle voulait rentrer et insistait pour qu’on le fasse. Elle semblait réellement épuisée, et une nuit sur un canapé dans son état ne l’aurait pas reposé du tout. Alors j’avais fini par accepter. Je me sentais capable de conduire, il fallait juste prier pour ne pas se faire arrêter. Lana saluait tout le monde et j’imitais son geste, puis ma mère nous accompagna jusqu’à la voiture. Lana avait les bras chargés des restes du repas que ma maman lui avait donné. Il y avait largement assez à manger pour trois jours au moins, repas du midi et du soir. J’ouvrais la voiture, Lana posa les restes à l’arrière puis s’installa. Je saluais une dernière fois ma mère et lui disait d’embrasser ma sœur pour moi. Et comme d’habitude, elle me disait de faire attention, et comme d’habitude je lui disais qu’elle n’avait pas à s’en faire. Je m’installais derrière le volant, alors que Lana me demanda si ça irait pour le retour. Je lui souriais.

« Oui, t’inquiètes pas. »

Je démarrais, et saluais ma mère de la main alors qu’elle rentrait à nouveau dans la maison. Nous n’étions pas trop loin de chez moi, mais il y avait quand même de la route pour y arriver. Je luttais pour garder les yeux ouverts, alors que Lana augmenta le son de la radio. Je gardais ma main sur le levier de vitesse et mes yeux sur la route, quand je sentais la main de Lana se poser sur la mienne. Je souriais et tournais la tête pour la regarder.

« Dors, ça va aller. »

Je la voyais me sourire avec les lumières de la radio puis son visage changea du tout au tout, elle cria mon nom et la seule chose que je pouvais faire en reposant mon regard sur la route, c’était donner un coup de volant pour éviter la bête qui traversait la route…

Ça aurait été bien plus raisonnable de rester dormir chez mes parents. Mais Lana était enceinte, et même si elle dormait dans mes bras, un canapé pour passer la nuit à deux n’était pas l’idéal. Cela ne la reposerait en rien, et dans son état il fallait qu’elle se repose un maximum. Alors je n’avais pas insisté, et j’avais accepté pour rentrer à notre appartement. Et puis au fond, moi aussi j’avais envie d’être dans mon lit. Avec ma fiancée dans mes bras. Alors, après avoir salué tout le monde, emporté les restes du repas soigneusement préparé par maman, je m’installais derrière le volant, alors que Lana s’installait à mes côtés. La route n’était pas trop longue, mais il fallait tout de même rester éveillé tout le long. Et ne pas se faire arrêter. Lana n’avait rien bu, mais elle était bien trop épuisée pour conduire alors j’avais prit le volant. J’avais l’habitude de rester éveiller comme ça, alors ce n’était pas un problème. Et je n’avais pas trop trop bu, alors je pouvais conduire et je savais parfaitement ce que je faisais.

Sur le chemin, Lana augmenta le volume de la radio et posa sa main sur la mienne. Je la regardais et lui souriais, lui disant qu’elle pouvait dormir. J’arriverais à tenir jusqu’à la maison, elle pouvait dormir. Je pouvais même la porter jusqu’à l’appartement si il le fallait. Alors qu’elle semblait prête à fermer les yeux, ces derniers s’ouvrirent d’autant plus grands. Puis elle cria mon nom et je reportais mon regard sur la route, paniqué. Une bête traversait la route, et je donnais un coup de volant pour l’éviter. Tout allait trop vite et je n’arrivais pas à reprendre le contrôle de la voiture, qui avant d’aller dans le bas côté de la route, l’avait traversé. Nous nous retrouvions dans la forêt et je réussi à éviter les arbres. Mais un tronc se retrouvait couché au milieu du chemin et aucun moyen de l’éviter. Le choc me fit me pencher en avant et ma tête se retrouver posée violemment sur le volant. Et là plus rien.

J’avais mal, partout. Je mettais un moment à me souvenir de ce qu’il venait d’arriver, mais tout me revint en mémoire.

Lana.

J’ouvrais les yeux. La radio ne tournait plus, plus rien n’était allumé dans la voiture. Lana était à côté de moi, les yeux fermés.

« Lana ? »

Elle ne répondait pas, ne bougeait pas. Je ne la quittais pas des yeux, je ne pouvais pas. Si jamais elle… Non. Je ne devais pas penser à ça. Elle allait bien et le bébé aussi. J’attrapais mon téléphone dans ma poche et appelais les secours. Ils allaient arriver et tout irait bien. J’essayais de me détacher pour sortir de la, mais rien à faire la ceinture était coincée. Il faudrait la couper, mais je n’avais rien, je devais attendre et rester là. Je tendais le bras et prenait le pouls de ma fiancée. Elle respirait. Sa respiration était faible. Je la regardais. Les larmes me montaient aux yeux et je pinçais les lèvres pour ne pas craquer. Je ne devais pas craquer, ne pas penser au pire. Je tendais mon bras et caressais la joue de Lana.

« Ça va aller chérie… j’te le jure. »

Tout était arrivé tellement vite. Le tronc couché en travers je n’avais pas pu l’éviter et nous étions foncés droit dedans. Puis plus rien. Le silence total. Puis j’ouvrais les yeux. Elle était là, inconsciente. Je ne devais pas paniquer, non surtout pas. Tout irait bien. J’essayer de me détacher, mais ma ceinture était bloquée et je ne pouvais pas la retirer. Il fallait la couper. J’appelais les secours, qui n’allaient plus tarder du coup. Je tendais mon bras, Lana respirait encore. J’étais soulagé. Elle était vivante. On allait s’en sortir, tous les trois. Je caressais doucement sa tête, lui promettant que tout irait bien. Elle ne répondait pas. Je me mordais la lèvre pour ne pas éclater en sanglot. Tout était ma faute, je le savais. J’aurais du insister pour rester chez mes parents, je n’aurais pas du boire, j’aurais du garder les yeux sur la route. Je fermais les yeux et commençais à prier. J’avais mal, partout. Mais je n’étais pas du tout certain de ce que j’avais. Si l’un de nous deux devait s’en sortir, c’était elle. Pas moi. Et si jamais il lui arrivait quelque chose, je ne pourrais pas. Une larme coula sur ma joue, lorsqu’une voix familière me sortit de mes pensées. J’ouvrais à nouveau les yeux. Lana.

« Lana… regarde moi… »

Elle avait mal. Après quelques secondes, elle fini par tourner la tête. J’arriver à la distinguer dans le noir, mais je ne voyais pas grand-chose. Je posais ma main sur sa joue, elle pleurait.

« Les secours arrivent, ça va aller… »

Je lâchais doucement son visage et bougeais mon bras. Je grimaçais, j’avais énormément mal. Je tâtais le siège de Lana dans le noir pour trouver le bouton afin de lui enlever la ceinture. Mais je n’y arrivais pas. La sienne aussi était bloquée. Je reposais ma main sur sa joue et la caressais doucement.

« Tu as mal où ? Et le bébé ? »

Il fallait que je continue de lui parler, elle ne devait pas refermer les yeux, elle devait rester consciente jusqu’à l’arrivée des secours. Aucun de nous ne pouvait sortir de là sans l’aide de quelqu’un…

J’avais mal partout, mais la douleur n’était rien comparé à ce que je ressentais en ne sachant pas ce qu’il advenait de ma fiancée. S’il lui arrivait quoi que ce soit, à elle et au bébé, je ne m’en remettrais jamais. Je préférerais être à sa place, le cas échéant. Je la regardais, et quand enfin elle parla j’étais soulagé. Je posais difficilement ma main sur sa joue pour la rassurer. Elle ne devait pas paniquer, et moi non plus. Tout irait bien. Les secours arrivaient et on allait s’en sortir, tous les trois. J’avais essayé de défaire ma ceinture, pour sortir de la avant d’aider Lana, mais elle était coincée. Alors j’avais essayé la sienne, pour qu’elle au moins puisse sortir de là, mais elle était aussi coincée. Elle avait mal, et ça m’inquiétait vraiment, mais je ne devais pas penser au pire. Il ne fallait jamais penser au pire. Je lui demandais où elle avait même, et comment allait le bébé, alors que je ne pouvais rien faire de là où j’étais. Je l’entendais alors pleurer, et je posais à nouveau ma main sur sa joue, la caressant doucement pour essayer de la calmer.

Elle avait mal un peu partout, surtout à la tête et au poignet. Je ne la lâchais pas, même si dans cette position mon épaule me faisait littéralement souffrir. Mais je voulais la sentir près de moi, la rassurer. Et essayer de me rassurer moi-même par la même occasion.

« J’te jure qu’on va s’en sortir, ça ira mieux. Bientôt. »

Je n’étais pas certain promesse, mais je ne pouvais pas croire autre chose. Les secours allaient arriver et tout se passerait bien. Je savais qu’ils allaient arriver rapidement, je les connaissais. Je m’étais retrouver assez souvent de l’autre côté de la situation. De la caserne à là où nous étions, il fallait très exactement sept minutes. Quinze en temps normal. Sept avec les sirènes allumées. Lana ne sentait plus le bébé. Ce n’était pas bon signe, mais rien n’était perdu. Pas encore. Les larmes coulaient le long de mes joues, je n’arrivais pas à me contrôler.

« J’suis sûr qu’il va bien. Il est aussi fort que sa maman, il va bien. »

Je continuais de caresser sa joue. Ne pas penser au pire. Je ne cessais de me le répéter.

« Ma puce, concentre toi sur ma voix d’accord ? Ne referme pas les yeux. Les secours sont presque là, tu peux y arriver. »

J’essayais de faire du mieux que je pouvais pour la rassurer, mais je ne l’étais pas moi-même, ce qui ne rendait pas la tâche facile. Mais il ne fallait pas penser au pire. C’est ce qu’on m’avait apprit. Lors des interventions, il ne fallait pas penser au pire. C’est ce qu’on disait aux victimes d’accident, aux gens coincés dans un accident : que tout irait bien. Alors il fallait que je pense la même chose. Je devais rester le pompier que j’étais, même si j’étais cette fois de l’autre côté de la barrière et que je devais attendre que les secours arrivent. Ma ceinture était coincée et celle de Lana également. Le silence et la pénombre régnaient en maître. Il n’y avait que le son de ma voix et celle de Lana qui tentait de me répondre, coupée par des sanglots, des pleures. Elle ne sentait pas le bébé, et je ne savais même pas si c’était normal ou pas. Je ne savais plus rien. Juste qu’on allait s’en sortir, du moins j’essayais de m’en persuader. Ma fiancée pleurait toujours et je gardais ma main contre sa joue pour la rassurer. Ce n’était pas sa faute, loin de là.

« Non Lana… Non. Ce n’est pas ta faute, d’accord ? Loin de là. »

C’était la mienne. C’était moi qui conduisais, moi qui ne faisais pas attention. S’il lui arrivait à quelque chose, à elle, au bébé, c’était ma faute et je m’en voudrais éternellement. Je n’arrivais pas à sortir le pire scénario de ma tête, même si je ne devais pas y penser. Lana était rapidement devenue la fille sans laquelle je ne pourrais plus vivre. C’était pour ça que je lui avais demandé de m’épouser. Que j’allais avoir un bébé avec elle. Pour ça qu’on vivait ensemble. Et qu’on allait fonder une famille.

J’entendais les sirènes au loin, alors que Lana me disait qu’elle était fatiguée. Elle ne devait pas fermer les yeux, du moins pas avant l’arrivée des secours. Pas avant qu’on nous sorte de là.

« Lana non, ils arrivent tu peux y arriver. »

J’essuyais ses larmes avec mon pouce.

« Restes avec moi… »

Mais, alors que les secours étaient là, elle ferma les yeux. Puis tout se passa rapidement. On nous sortait de là, nous mettait dans une ambulance, direction l’hôpital…