Tu pousses la porte de l'appartement que tu partages avec ta soeur, pour finalement la refermer derrière toi, t'adosser contre, et soupirer. Tu retire la bandoulière de ton sac et le laisse s'écraser sur le parquet de l'entrée, enlève l'élastique noir qui retenait tes mèches blondes en un chignon serré. Pas très pratique, de faire tremper ses cheveux dans les organes d'un homme mort, n'est-ce pas ? C'était ton maître de stage qui t'avait incité à ne pas les laisser dénoués. Ton maître de stage. Tu soupires une nouvelle fois, pousses ton sac du pied pour le "ranger" dans un coin et t'avances jusqu'au salon. Personne. « Charlie ? » Elle avait du s'enfermer dans sa chambre avec son ordinateur, comme d'habitude. Tu lorgnes vers l'horloge au-dessus du téléviseur. 19h30. Elle était rentrée du travail depuis peu de temps. Ton ventre gargouille. Et, en bonne gourmande que tu étais, tu suis ton instinct alors que tes pas te mènent directement vers ton frigo. En tant normal, tu aurais essayé de te cuisiner quelque chose. Des pâtes, de la purée, une soupe. Quelque chose. Mais là, tout de suite, maintenant, tu avais simplement envie d'un pot de glace et de ton sofa. Tes journées t'exténuait. Non pas parce que le travail que tu devais fournir était, en soi, fatiguant - mais surtout parce que tu passais neuf heures complètes à essayer de ne pas t'énerver et étriper le médecin qui prenait ton stage en main. Cette froideur, ce manque d’expressivité, ça te fichait la trouille. Tu tire sur la porte du frigo, qui peine à s'ouvrir. Cherche la glace du regard. En vain. « CHARLIIIIIIE ! » Tu détestais quand elle faisait ça. Tu n'y avais pas encore touché, à cette foutue glace. Du claque la porte du réfrigérateur, et marche en pestant jusqu'à la chambre de ton double maléfique. Que tu trouves assise son bureau, devant son écran, le fameux pot de glace sur les genoux et la cuiller encore dans la bouche, alors que ses doigts courraient sur son clavier. Elle tourne la tête vers toi, attendant que tu t'exprime. Tu montres la glace du doigt. « T'as intérêt de m'en avoir laissé, sinon je te jure que j't'étripe. »

(c) AMIANTE

Elle était là, assise à son bureau, en train d'innocemment manger sa petite glace. Et toi, tu étais là, dans l'embrasure de sa porte, levant limite les yeux au ciel. Elle avait l'air de s'en foutre complètement, de sa glace, en plus. Son ordinateur arrivait même à surpasser cette merveille, cette ambroisie du frigo qu'était la glace en pot. Tu n'en revenais pas. Elle a pivoté sur son siège, sans retirer la cuiller de sa bouche. Elle baisse les yeux vers le pot de glace, relève la tête et me le tend. Tu regardes le pot à ton tour, et tu lui adresses un regard las. Elle marmonne quelque chose, et tu entends le ton d'une interrogation. Tu désignes le couvert du doigt au moment précis où elle se rend compte qu'elle l'avait encore dans la bouche et qu'elle l'en retire. Tu hoches la tête à sa remarque. « Mais je sais, rho. Allez, file moi c'te cuiller, qu'on en finisse. » Tu lui souris, quand même. La pauvre, elle allait croire que tu lui en voulais vraiment. Alors que non. Jamais tu n'en voulais à Charlie. Et encore moins pour avoir pris la glace avant toi, et ce, par pure coïncidence, puisqu'elle n'avait aucune raison de savoir que tu allais vouloir te jeter dessus à peine rentrer du boulot. Tu t'assois sur son lit, regarde son écran. Tu comprends un peu de tout son charabia parce que, malgré toi, tu avais appris les bases de la programmation en même temps qu'elle. Mais elle avait développé ses compétences beaucoup plus que tu ne l'avais fait, et aujourd'hui, ses oeuvres codées te dépassait. Tu désignes son écran avec ton menton avant de prendre la parole, ta deuxième bouchée de glace avalée. « Qu'est-ce que tu nous fais, aujourd'hui ? Me dis pas que t'essaie encore de hacker le voisin sexy du dessous. »

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Tu plisses les sourcils, lui adresses un regard qui l'inciterait peut-être à continuer sur sa lancée. Tu as bien senti que son "non" discret allait bientôt amener à une suite, et le sourire en coin qu'elle arborait ne pouvait que confirmer ton pressentiment. Elle s'est retourné, tu t'es enfilé une nouvelle cuiller de glace sans aucun remords, et tu as entendu son doigt s'enfoncer sur une touche, avant qu'elle ne t'annonce avoir réussi. Elle avait réussi à hacker l'espèce de bombe sexuelle qui vivait dans l'appartement du dessus. Et dire que, la seule chose que tu pourrais faire en utilisant tes compétences, ce serait le vider de ses organes lors d'une autopsie... Tu pouffes en apercevant le grand sourire, ravi, vainqueur, de Charlie, alors qu'elle fait de nouveau pivoter sa chaise pour me faire face. D'un coup de menton, elle désigne le pot de glace, vers lequel tu baisses les yeux. Oui, bon, tu te l'enfilais un peu comme une ogresse. Il faut avouer les choses telles qu'elles sont. Tu relève la tête, écoutes ta soeur, et laisse un rire sarcastique s'échapper d'entre tes lèvres. « Ca, pour préférer les morts aux vivants, t'aurais pas pu trouver mieux. » Tu lui tends de nouveau le pot et la cuiller pour qu'elle puisse piocher dedans à son tour. « Char, s'il pouvait, il dormirait dans sa morgue. Sérieux, ce mec m'échappe. » Tu soupires, repensant rapidement à la journée que tu venais de passer en sa compagnie. Si on pouvait réellement dire qu'il te tenait compagnie, fait dont il était juste de douter. Il te parlait à peine, seulement pour te reprendre, te conseiller sèchement, te demander de lui passer tel ou tel truc. Un vrai mur contre lequel tu te heurtais. « Mais c'est vrai que c'est un beau gosse. »

(c) AMIANTE