Elorah & Szymon
are you doing this on purpose ?
Le soir, au Starbucks Coffee. Trois serveurs qui se bousculent derrière leur comptoir pour ranger tout correctement, histoire que tout soit bien propre le lendemain matin. Parmi eux, un boulet qui fait tomber une pyramide d'au moins quinze gobelet sur le sol. Ils roulent, certains passent même derrière le comptoir. Ce boulet, c'est moi. Evidemment. C'est toujours moi qui fait tout tomber, ou qui renverse tout. Les deux autres m'aident un peu, et quittent la boutique. Je suis de fermeture aujourd'hui. Certains pourraient croire que c'est cool, d'avoir le pouvoir de dire aux gens On va fermer, messieurs dames. Mais non. Avant, je faisais partie de ceux qui restent jusqu'à pas d'heure au café avec mon bouquin et mon chocolat. Et maintenant, je devais virer les gens. Dans quatre minutes, je devais avoir baissé le rideau de fer devant la porte de la boutique. Heureusement pour moi, les quelques clients restants se sont levés d'eux-mêmes, jetant leurs gobelets sur lesquels j'avais soigneusement écrit leurs noms. Je leur dit au revoir, leur souhaite une bonne nuit, les regarde s'éloigner. Je m'approche de l'entrée, regarde dans la galerie. Personne ? Parfait. Je retire mon tablier vert que j'accroche au porte-manteau, derrière la caisse, à côté d'une des machines à café. Journée finie. Je retire le tiroir-caisse pour aller le ranger au coffre, au fond de l'arrière boutique. Et quand j'entends du bruit - des talons qui claquent sur le sol du salon - je me précipite derrière le comptoir. Une jeune femme, d'à peu près mon âge. Elle n'a pas l'air pressée. C'est bête, moi si.

Un cappuccino ?

Là, maintenant ?

Na serio ?

Elle m'adresse un sourire, et j'ai l'impression qu'elle l'arbore pour bien me narguer. Regarde, tu allais partir, mais je te fais travailer. Je lorgne vers l'horloge. Deux minutes. La garce. « Votre nom ? » Elle me le donne, je le note sur un gobelet dont je viens de m'emparer. Je lui rend son sourire, faux, évidement, et je me tourne vers la machine pour lui préparer sa commande. Quelques secondes plus tard, je lui tends son cappuccino, mon sourire toujours flanqué sur mes lèvres. « Trois livres trente, s'il vous plaît. » J'allais devoir rouvrir le tiroir-caisse pour trois livres trente. Désespérant. Elle prend sa commande, paie, s'éloigne, va s'asseoir à une table. Je retourne à l'arrière, dépose la monnaie dans le tiroir, retourne à mon poste. Je m’assoit sur le comptoir du fond, face aux tables et à la jeune femme. Je soupire. Elle a sorti un bouquin. Je n'avais pas pris le mien.

J'en connaissais un qui n'était pas prêt de rentrer chez lui.

BY .SOULMATES